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"Tempête Yonna" de Cyril Herry : les hommes, et le désordre du monde

Rassurez-vous, la Terre ne s'est pas effondrée. On pourrait même dire de ce roman qu'il est anti-collapsologique, car il démarre ainsi : Yonna est passée, le soleil se lève à l'heure prévue, le vent a soufflé un peu fort, d'accord, mais c'est fini maintenant. L'apocalypse, ce n'est pas encore pour cette fois.

 

Lorsque le petit jour pointe son nez, dans le village, on fait le tour du propriétaire ; on cherche les blessés. Quelques ardoises envolées, quelques arbres tombés. On a échappé au massacre, pour l'essentiel. C'est presque un miracle. Même la roulotte du jeune couple est encore debout. La vie tend les bras à la petite quinzaine d'habitants, qui peut reprendre son souffle. Sauf que les routes sont semées d'embâcles, et que les uns les autres se retrouvent piégés, sans eau, ni électricité, ni communication. Sans horizon non plus, car pour un temps indéterminé (tiens tiens, ça ne vous rappelle pas quelque chose ?) Alors, ces réfugiés involontaires n'ont d'autre choix que de se serrer les coudes. Mettre les désirs individuels en sourdine pour la survie du groupe. Comprendre que l'addition des chances de chacun est toujours inférieure au coefficient donné à la communauté. Et ça, c'est moins évident.

Cyril Herry ne nous met pas en garde contre une revanche de la nature. C'est infiniment plus subtil que cela. Certes, si la Terre tousse, les hommes s'enrhument. Mais surtout, les édifices des hommes restent infiniment fragiles, et la voilà, la coque de noix. Faire société, c'est une construction, avec un cadre, des règles, quelques principes moraux en guise de fers à béton. Il suffit d'un grain de sable, et le château de cartes s'écroule, les appétits se déchaînent, l'angoisse explose, les scrupules fondent comme neige au soleil.

Tempête Yonna est un grand roman, humaniste et noir à la fois. Oui, c'est étrange, mais c'est possible : ce livre le prouve. Humaniste, parce que les désirs cognent aux portes qui se dégondent, que Bruno ne peut s’empêcher d'aimer, que les Herminot s'enfoncent dans leur détestation des autres, que Julia reste droite dans son orgueil, que Lou et Angéline ont envie de vivre enfin, que le P'tit Léon est fou d'amour pour sa mère et que la vieille Mélanie continue jusqu'au bout de rassembler tout le monde, le soir venu, dans son petit café. Noir, parce que les désirs cognent aux portes qui se dégondent, que de certaines blessures on ne revient jamais, et qu'il faudra prendre les armes, ou la fuite, ou les deux, pour imaginer une suite. Une équipée sauvage, oui, et immobile, dans l’œil du cyclone.

Tempête Yonna : En librairie le 23 février.

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